Portrait de Serge Goyens de Heusch

1978, huile sur toile, 81 x 65 cm
Coll. Musée L, Louvain-la-Neuve (donation Serge Goyens de Heusch)
N ° inv. 1411

Durant quarante ans, de 1947 à 1987, alors que l'art d'après-guerre effaça une certaine noblesse de la figure et découragea plus que jamais les initiatives du portraitiste, un peintre comme Gaston Bertrand, lui qui s'imposa pourtant dans la mouvance de l'art abstrait, réalisa en fait plus de vingt portraits majeurs. Ses modèles ? En général, des amateurs de son œuvre qui étaient hommes de loi ou banquiers, historiens d'art ou gens de lettres, industriels ou hommes d'affaires, ou encore l'épouse de l'un ou l'autre de ceux-ci.

Gaston Bertrand travailla toujours le portrait au départ d'études d'après nature réalisées à l'encre ou au crayon, parfois à l'aquarelle, le modèle s'étant soumis à de longues séances de pose. À y regarder de plus près, on s'aperçoit que les traits de ressemblance physionomiques et moraux fournis par les séances de pose s'avèrent volontairement fragmentaires, se veulent insolites en raison de la mise en scène et des accents de lumière qui les soutiennent ; bref, toujours ils sont détournés de leur fonction illusionniste. Bertrand l'a dit sans ambages : il cherchait moins à satisfaire l'affirmation personnelle du portraituré qu'à réaliser, selon ses propres termes, « un équivalent dans l'ordre plastique, une traduction puisée dans le moral et le physique du modèle, transcrite par le créateur avec le souci de création pure possédant sa propre finalité ».

Vis à vis de son modèle, une fois encore l'artiste impose sa distance, choisit, sélectionne certains traits qui le frappent et qui deviennent, on ne sait trop comment, signes, pour signifier plus que pour décrire. On sera tenté de dire que ce faisant, l'artiste peint en quelque sorte l'idée d'une personne, en faisant une sorte de portrait abstrait, ne retenant de son commanditaire que quelques repères physiques et quelque chose de son statut social ou professionnel.