Le désir
de l’homme
1951, huile sur toile, 81 x 65 cm
Coll. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles
N° inv. 459
Faut-il tenir Gaston Bertrand
pour un peintre abstrait ? Ainsi formulée, la question pourrait d’emblée
paraître scolastique. Une certaine ambiguïté planant depuis
longtemps sur l’œuvre de cet artiste justifie cependant qu’on
la pose. Au vu, chez lui, d’une importante série de créations
de nature purement géométrique, on répondrait volontiers
de manière affirmative à la question, étant entendu que,
comme bien des peintres de sa génération, Bertrand aborda le domaine
plastique selon les réflexes séculaires d’une relative soumission
à la nature grâce à laquelle il donna déjà
les gages d’un talent hautement inspiré, avant d’expérimenter
donc, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les données d’un
langage qui fut qualifié de « non figuratif ».
Mais alors, comment expliquer dans l’œuvre du peintre, et jusqu’à
son terme, la présence de la figure humaine, un fait qui le situerait
cette fois sur le versant de l’art qu’il est justement convenu d’appeler
figuratif ? Force serait alors de récuser la qualification de peintre
abstrait. Y aurait-il donc deux Bertrand ? Faudrait-il admettre que Gaston Bertrand
n’hésita point, au gré de ses propres désirs, à
passer sans cesse d’une rive à l’autre ?
Durant la décennie cinquante, à laquelle appartient Le désir
de l’homme, Bertrand élabora les œuvres parmi les plus abstraites
qu’il ait peintes, ce qui conduisit la critique avant-gardiste de l’époque
à l’embrigader volontiers dans l’abstraction, ce dont Bertrand
ne se défendit guère, conscient tout de même de ne point
y appartenir totalement, son œuvre s’articulant plutôt à
l’endroit précis de la fracture entre ces deux courants qui partagent
l’art contemporain, figuration et abstraction, ou, pour mieux dire, à
égale distance de leur expression antinomique. |