Conversation
1938, huile sur toile, 150 x 100 cm
Coll. Fondation Gaston Bertrand
N ° inv. 33
En ces années d'animisme, deux thèmes sollicitent principalement
Gaston Bertrand : le couple vu de dos et la foule anonyme présentée
volontiers, elle aussi, selon un axe postérieur, comme si, timide, l'artiste
veillait toujours à ne point se faire remarquer dans son rôle d'observateur.
Dans la volonté d'abréviation formelle et chromatique qui marque
les silhouettes humaines peuplant les scènes de parc ou de rue si fréquentes
chez l'artiste à la fin des années trente et durant la guerre,
se manifeste le désir d'échapper aux écueils des conventions
confortables : en attestent particulièrement les dessins et les toiles
inspirés dès 1937 par d'étranges conciliabules entre des
petits messieurs réunis sous les frondaisons d'un parc, dans quelque
couloir anonyme, ou encore sur la plate-forme d'un tram. Un silence paradoxal
et quelque peu angoissant plane sur les protagonistes de la scène où
règne la palette sombre et nuancée de ses débuts. Le jeune
Bertrand trouve le ton qui lui convient dans un expressionnisme très
personnel, de caractère ascétique et anguleux où perspective
et modelé sont déjà pratiquement éliminés.
S'il fallait trouver un antécédent aux gauchissements désinvoltes,
à l'imprévu des mises en page et aux décrochements insolites
d'un graphisme marqué par une ironie inquiète, on invoquerait
James Ensor, encore que, chez le jeune peintre, l'ironie demeurerait esquissée
et inclinerait plutôt à une mélancolie rêveuse. |